Quand le cadrage devient un exercice d’équilibriste
Lors de cette mission, nous intervenions auprès d’un client, contraint de remplacer un outil métier stratégique utilisé depuis de nombreuses années mais sur une technologie en dehors des règles corporate. Le contexte : une direction métier très attachée à l’existant, un sponsor digital tourné vers l’innovation, et un délai serré pour cadrer un projet complexe. Très vite, les tensions sont apparues…
🧩 Comment garantir le delivery tout en rassurant un client en défiance ?
J’ai eu l’opportunité de piloter un projet de cadrage avec un objectif ambitieux : imaginer l’outil de demain pour un client contraint de se séparer de sa solution historique, utilisée depuis des années.
Dès le début, les tensions apparaissent. Le métier souhaite « retro-spécifier » l’existant, c’est-à-dire le recréer à l’identique dans un nouveau langage. De son côté, le sponsor refuse de « regarder en arrière » : il veut une refonte basée sur les besoins actuels et les retours d’expérience utilisateurs. Deux visions, deux logiques… un seul projet.
🎬 Le coup de théâtre : un lancement… stoppé net
Tout a commencé lors de la réunion de lancement. Me voilà seul devant l’assemblée, prêt à dérouler mes slides : ce qu’on va faire, comment on va le faire, dans quel ordre.
Mais à peine commencé, le chef de projet métier m’interrompt :
« En fait non… on ne va pas faire ça. »
Moment de solitude. Petite goutte de sueur. Je garde mon calme.
Quelques explications plus tard, la situation se clarifie. Le métier veut reproduire l’outil existant dans un nouveau langage, sans compromis. Je comprends cette position : il connaît parfaitement l’existant, le considère abouti, et veut une garantie de continuité.
Mais voilà : le sponsor tranche.
« En fait, si. C’est bien ça que nous allons faire. »
Le débat explose. Entre celui qui veut préserver, et celui qui veut transformer.
Et moi ? Toujours debout au tableau, essayant d’apporter de la valeur, tout en regardant (mal à l’aise) le métier se faire recadrer.
🛠 Trouver une voie médiane : cadrer tout en rassurant
On ajourne la réunion. L’objectif est clair : il faut approfondir la méthode pour qu’elle soit plus rassurante. Plus réaliste.
Car même si le sponsor impose la direction, le métier ne croit pas dans notre stratégie:
Trop peu de temps. Trop peu de budget. Un périmètre applicatif immense. Une complexité technique à tous les niveaux.
Alors j’ai construit une stratégie de cadrage progressive, transparente et agile, avec une double promesse :
- avancer concrètement sur le périmètre cible
- construire la confiance entre les acteurs.
📐 La méthode que nous avons mise en place sur des itérations d’une semaine :
- 1 jour par semaine chez le client, pour capter les besoins réels, à chaque jour son module, en binôme UX/BA.
- De retour au bureau : mise à plat, design d’écrans avec le consultant UX/UI, spécification macro avec le consultant métier.
- Quelques jours plus tard : restitution auprès du client pour valider notre compréhension.
- Sans oublier une présentation régulière à un lead tech pour s’assurer de la faisabilité…
Chaque semaine, nous challengions notre méthode :
- D’abord le coaching des consultants,
- suivi de l’avancement sur le périmètre global,
- suivi de la charge consommée,
- et même la consommation du budget déplacement (quand le budget est tendu, tout compte ! 😄).
Objectif : rassurer à chaque étape, via des éléments concrets et factuels.
📊 La transparence comme outil de conviction
Nous avions conscience (comme le sponsor) que nous ne pourrions pas tout couvrir. Mais ce « premier lot » devait faire ses preuves, tant sur le fond (les livrables) que sur la forme (la méthode).
Chaque comité devenait une démonstration :
- de notre avancement réel,
- de notre capacité à nous adapter,
- de notre engagement à tenir le cap malgré les contraintes.
✅ Résultat : budget consommé, pari gagné
Au terme des 6 mois :
- Le budget était entièrement consommé.
- Mais nous avions couvert plus de périmètre qu’estimé initialement.
- Avec des écrans aboutis, des spécifications concrètes, une vision claire.
Mais surtout : nous avions convaincu.
Le métier, le sponsor, les utilisateurs.
La méthode avait prouvé sa valeur, et la confiance était là.
🧠 Ce que je retiens
Rassurer un client en défiance, c’est d’abord écouter. Puis adapter. Et surtout : faire preuve de transparence, semaine après semaine.
Ce projet m’a appris que le delivery n’est pas qu’une affaire de planning ou de specs. C’est une affaire de posture, de dialogue, de clarté — surtout quand les enjeux sont flous et les attentes contradictoires.