Comment redresser un centre de service en difficulté ?
J’ai eu l’occasion de prendre en main différents centres de service, centres de compétences, etc. Mais la problématique ici est : comment remettre sur les rails un CDS en perdition financière, avec de la souffrance humaine et de la frustration client ?
Étape 1 : Le constat
Avant toute chose, il a fallu faire prendre conscience au client que ça n’allait pas. L’équipe souffrait déjà suffisamment pour en avoir conscience. Il fallait donc que le client comprenne la nécessité de remettre en question l’organisation actuelle du centre de delivery.
L’objectif était de proposer un audit du CDS, tant côté prestataire que métier, afin d’identifier tous les points de friction, les adhérences, les frustrations et les dérives. Comprendre comment nous en étions arrivés là et accepter qu’il ne soit plus possible de continuer ainsi. Ce n’était pas une activité facturable, mais un mal nécessaire.
Étape 2 : L’audit
Nous avons organisé des ateliers avec les équipes métiers et les équipes de développement afin de mettre à plat, sans modération, chaque étape du cycle de vie d’une demande d’évolution, d’un ticket d’anomalie, ou d’une demande de cadrage.
Après plusieurs ateliers, toute cette matière brute a été analysée pour en extraire un constat, des faits et surtout des préconisations concrètes.
Étape 3 : Le bilan
Voici venu le moment du bilan calmement en s’remémorant chaque instant. Il ne s’agissait pas seulement de présenter la démarche, les observations et les constats, mais aussi de proposer des actions fortes, avec un message clair : « si nous ne mettons pas ces mesures en place, nous devons fermer le centre de service. »
C’est à ce moment-là que la réalité frappe : une goute de sueur perle, un “gloups” se fait entendre dans la salle. Il fallait être sûr de nos propositions.
Le plan d’action imposait un cadre strict et des process rigides. Le client n’était pas enchanté, mais il en comprenait la nécessité. Restait à convaincre et avancer.
Étape 4 : Le premier jour du reste de la vie du centre de service
L’heure était venue d’agir : présentation au client, briefing des équipes avec l’appui du top management, et mise en place des bonnes pratiques à tous les niveaux.
Pilotage :
- Mise en place d’un tableau de bord pour suivre chaque demande d’évolution :
- Ce qu’on a chiffré.
- Ce qu’on a vendu, parce que oui, on ne vend pas toujours ce qu’on a chiffré.
- En combien de temps nous avons produit ce qui était chiffré.
- Pourquoi il y a eu un dépassement.
- Ajustement de la démarche.
Pour le chef de projet :
- Être l’unique point d’entrée pour le client, le filtre, le tampon.
- Coordonner les échanges et organiser des points précis avec un développeur et le client si nécessaire.
- Suivre les temps passés, un mal perçu comme du « flicage » mais indispensable.
- Ne plus perdre du temps à argumenter pendant des heures pourquoi une tâche prend 2 jours et non 1,5.
- Être ferme.
Pour les développeurs :
- Ne plus répondre au téléphone ni aux messages instantanés du client.
- Travailler en toute sérénité sans interruptions.
- Suivre son temps sur chaque phase d’une demande pour une amélioration continue.
- Tout chiffrer. Une évolution n’est jamais « juste quelques jours de développement ».
Mais le plus important dans cette démarche, on chiffre tout ce qu’on fait. C’est peut-être bête dit comme ça, mais une évolution, même mineur, dans un centre de service, ce n’est pas QUE quelques jours de développement sous prétexte que les équipes connaissent l’environnement.
Une évolution, qu’est-ce que c’est ? C’est du développement, oui mais pas seulement. C’est une phase de réflexion, bah oui l’estimation ne tombe pas du ciel, c’est de la conception, parce que c’est ça serait bien que cela s’intégrer dans l’écosystème sans rien faire régresser et autant y penser avant plutôt que de refaire après. Une évolution, c’est aussi du suivi et du test.
Pour ne pas rentrer dans un chiffrage au cordeau ou dans une granularité risible, nous sommes parties sur des enveloppes forfaitaires en fonction du nombre de jour de développement estimé. Par exemple, pour 2 jours de dev, nous avons forcément 0,5 jours de conception, 0,5 jours de test et suivi.
C’est sur cela que finalement le client a eu forcément le plus de mal. Tout le challenge a été là. Faire comprendre au client que l’une des sources du problème était le manque de cadrage financier. Il fallait voir cela comme un investissement sur du long terme. Oui tu payes un peu plus chère ton évolution, mais le produit livré est de qualité sans régression ni A/R d’une recette interminable. Le cercle vertueux s’est alors mis en marche, plus de satisfaction client, moins de pression sur l’équipe, et un delivry d’encore meilleur qualité.
Étape 5 : Suivre la comptabilité et consolider les gains
En suivant rigoureusement le delivery et en appliquant des mesures concrètes, la situation financière s’est progressivement améliorée. En un an, nous avions redressé la marge bien au-delà de nos espérances.
Conclusion : Un cercle vertueux enclenché
Ce retour d’expérience montre qu’un CDS en souffrance peut être sauvé avec une approche rigoureuse et du courage dans la prise de décision.
Accepter le problème, poser un diagnostic précis, définir un plan d’action strict et tenir le cap sont les clés de la réussite !